Kazimierz Nowak - portretKazimierz Nowak naît le 11 janvier 1897 à Stryj en Pologne dans la région de Podole. Après la première guerre mondiale, il s’installe à Poznań où il est employé par une compagnie d’assurance. Durant cette période il traversera la Pologne à vélo, réalisant ainsi sa passion pour le voyage et la photographie. Le 19 mars 1922 il épouse Maria Górcik. La même année naît leur fille Elizabeth, puis en janvier 1925 viendra au monde leur fils, Romuald.

Pendent la crise, en mars 1925 Nowak prend la décision de quitter le pays pour gagner sa vie en travaillant en tant que correspondent et photographe. Il effectue deux voyages en Europe, il traverse la Hongrie, L’Autriche, L’Italie, la Belgique, les Pays Bas, la Roumanie, la Grèce et la Turquie à vélo. En 1928, il atteint La Tripolitaine en Afrique du Nord, où la guerre fait rage. Les soucis de santé et le manque d’argent l’obligent alors à rentrer en Pologne. Pourtant, il se fait la promesse de revenir pour traverser le continent africain du nord au sud. Tout en se préparant à l’expédition, il continue de voyager à vélo en Pologne, puis se rend en France.

Il entreprendra le voyage en 1931, d’abord en train jusqu’ à Rome, puis à vélo jusqu’à Naples, d’où il traversera en bateau la Mer Méditerranéenne, ainsi le 26 novembre il atteint à nouveau le Continent Noir. Sur son vieux vélo de 7 ans, il se dirige alors de Tripoli vers le Cap des Aiguilles, plus de 12 mille kilomètres en direction du sud. Son arrivée la veille de Pâques 1932 à l’Oasis Maradah provoque la panique chez les gardes du Commandement de la Zone: personne n’arrive à comprendre ce que fait en plein désert un cycliste solitaire venu de Pologne. Les autorités italiennes, étant donné la situation instable en Cyrénaïque, demandent à Nowak de changer son itinéraire et de se rendre à Alexandrie en Egypte par Benghazi. Une fois arrivé, le voyageur reprend la direction du sud. Il longe le Nil, suit la route des Grands Lacs Africains et s’avance de plus en plus profondément dans ce Continent vivant au rythme de sa propre vie inexplorée. Ici, on n’entend que de très loin les échos des événements se déroulant dans le reste du monde – la Grande Crise, le fascisme en Europe – tout cela paraît si irréel face aux épidémies ravageant le continent ou aux menaçantes nuées de locuste se déplaçant dans le ciel. Nowak, voyageur solitaire, s’arrête parfois dans des villages autochtones pour y négocier de la nourriture, ou écouter des légendes africaines. Il rencontre les Touareg, les fellahs égyptiens, les Chillouk vivant dans les marécages, les fiers Watussi, les Pygmées, les Boers du Transvaal, les Hottentots, les Bushmen, les nains Babinga, les sauvages Abasalampasu, le peuple Hausa et bien d’autres habitants exotiques du continent, partageant tous le même destin : survivre dans le royaume de la nature. Quand il reprend sa route, le rythme des tam- tam porte d’un village à l’autre l’histoire d’un blanc avançant en solitaire sur son étrange engin.

C’est auprès de la communauté polonaise en Afrique et auprès des missions qu’il trouve un véritable accueil et réconfort. En revanche, dès qu’il atteint les colonies des explorateurs blancs d’Afrique, un sentiment de solitude l’envahit ; il s’aperçoit qu’il existe un précipice entre lui et les employés, les militaires, les chercheurs de richesses naturelles, les chasseurs : tous ceux venus dans ce pays pour faire du profit, faire carrière, obtenir des trophées, ou bien pour la débauche. Sensible à l’injustice et respectueux envers la nature vierge, il porte un regard incroyablement critique, courageux, indépendant pour l’époque vis-à-vis du comportement impérial des Européens en Afrique. Il ne se précipite pas quand il aperçoit sur son chemin les lumières d’une ville sur l’horizon. Au contraire. Il campe et passe encore une nuit loin des habitats, au sein de sa chère nature africaine, exempte de toutes traces de civilisation.

En dépit des attentes des représentants de la Ligue Maritime et Coloniale, il ne partage pas les ambitions coloniales de l’Etat polonais. C’est peut- être pour cette raison que Nowak n’a jamais obtenu aucune aide matérielle, si ce ne sont des pneus, envoyés par la société Stomil. Avec l’argent qu’il gagne grâce aux honoraires de ses reportages et photos envoyés dans les journaux polonais et allemands, il arrive à survivre et à subvenir aux besoins de sa famille. L’appareil photographique Contax, acheté à Poznań dans le studio de Kazimierz Greger, qu’il a reçu en Afrique, lui permet de prendre environ 10 000 photographies pendant le voyage. La presse locale africaine suit également ses péripéties. En avril 1934 Nowak atteint la pointe sud de l’Afrique – le Cap des Aiguilles.

Au Cap, il prend la décision de rentrer chez lui par un autre chemin, et, toujours en solitaire, retraversera tout le continent.

Malgré des accès de malaria le tourmentant, et sa poche éternellement vide, il se met en route sans tarder, et c’est en plein désert de L’Afrique du Sud-Ouest que son vélo tombe en mille morceaux. Kazimierz Nowak se voit offrir par Mieczyslaw Wisniewski, un polonais habitant à Gumuchab un cheval nommé Ryś (Lynx), et il en achète un autre nommé Żbik (le Chat Sauvage). Ryś est son cheval de selle. Quelques jours plus tard, il échange Żbik pour Cowboy qui portera ses bagages. Il parcourt 3000 kilomètres en selle, puis est accueilli dans la fazenda du comte Zamoyski en Angola où il se sépare de ses compagnons à quatre pattes.

En arrivant à la rivière Kasaï, il décide de troquer ses habits de cycliste et de cavalier pour ceux de marin. Il descendra la rivière agitée et capricieuse dans un bateau construit pour lui par les indigènes, baptisé « Poznań I » Lors d’un accident sur la cataracte du Kaveve, il perd son nouveau moyen de transport. Forcé de parcourir à pied des centaines de kilomètres, il arrive à Lulua, où il se procure un autre bateau, l’adapte à ses besoins et lui donne le nom de sa femme « Maryś ». En septembre 1935, à Léopoldville (Kinshasa aujourd’hui dans la République Démocratique du Congo), il achève la période de deux mois de navigation en solitaire sur les rivières Lulua, Kasaï et Congo. Il parcourt l’étape suivante à vélo jusqu’au lac Tchad. Les autorités de L’Afrique-Equatoriale Française ne veulent pas l’autoriser à traverser en solitaire le Sahara, et lui demandent de continuer le voyage en compagnie d’une caravane, ce qui lui garantirait les réserves d’eau nécessaires. Mais Nowak se procure son propre dromadaire, loue le service d’un guide et forme aussitôt sa propre caravane. Il passera les cinq mois suivants sur le dos balançant d’Ueli, son dromadaire, atteignant ainsi l’Ouargla. Et c’est à vélo qu’il parcourt les derniers 1000 kilomètres séparant l’Ouargla d’Alger, située au bord de la mer Méditerranéenne.

En novembre 1936, il achève son voyage après avoir parcouru plus de 40.000 kilomètres. Avec ses derniers sous, il achète des vêtements (c’est l’automne en Europe) et le billet de ferry pour Marseille. De Marseille il se rend à Beaulieu, à côté de St. Etienne, où il passe deux semaines dans une colonie de mineurs polonais (il s’y était déjà rendu lors de son voyage précèdent en Europe). Afin de payer le billet de train et le transport du vélo en Pologne, il tâche de trouver de l’argent en prenant en photos des mineurs ou en essayant de vendre ses photos africaines. Sans succès… Il se rend à Paris, où il règle les formalités pour l’obtention des visas lui permettant de traverser la Belgique et l’Allemagne. Grâce à l’aide de sa femme et à la recommandation de l’usine des pneus Stomil, il obtient un prêt de 750 francs accordé par le consul polonais.

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 1936, il traverse la frontière entre l’Allemagne et la Pologne à Zbąszynek. A Poznań, dans la pénombre d’un quai à peine éclairé, il distingue un petit groupe de proches qui l’attend dans la foule.

Après son retour à Poznań, Kazimierz Nowak donne des conférences au cinéma Apollo consacrées à l’ethnographie du continent africain, illustrées par ses photos. Il donne également des conférences dans d’autres villes où il relate son voyage, entre autres à L’Université Jagellon de Cracovie et à L’Ecole Supérieure de Commerce à Varsovie. Il prévoit la publication de documents qu’il a rassemblés et pense à entreprendre une autre expédition, qui cette fois-ci le mènerait en Inde et en Asie du Sud-Est. Hélas, il ne réalisera plus ses rêves. Epuisé par la malaria, atteint à la jambe gauche de la périostite, il subit une opération. Lors de son séjour à l’hôpital, il attrape une pneumonie. Il meurt le 13 octobre 1937, à peine un an après son retour en Pologne.

Écrit par Łukasz Wierzbicki.
Traduit par Natasza Ponikowska.